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Route normale du Gwätchenhorn par Steingletscher – Demi tour autour de 3’000m, Vendredi 18 Septembre 2020

Il est 5h du matin lorsque nous laissons le parking derrière nous. Le ciel est rempli d’étoiles. 700m de denivelé nous sépare du refuge, à partir duquel nous accèderons au glacier. Durant les 2 heures que cela nous prendra pour le rejoindre, le noir profond du ciel laissera place aux notes orangées et roses du lever de soleil. Nos pas sont rythmés par les ombres de nos lampes frontales et nous trouvons rapidement une allure confortable. Les montagnes et glaciers nous entourons ne sont qu’ombres que nous pouvons petit à petit deviner, au fur et à mesure que le jour se lève. J’adore les couchers de soleil mais il y a quelque chose de magique lorsqu’on voit le soleil se lever dans les montagnes. Profiter de la quiétude du monde et voir la lumière d’un nouveau jour prendra la place de l’obscurité.

Sur le chemin de la Tierberglihütte. © 2020, Nevin McCallum.
Lever de soleil dans le haut pays de Berne. © 2020, Justine Le Cam.

Quelques instants après avoir éteint nos frontales, nous arrivons sur l’arrète rocailleuse qui mène au refuge. Et soudain, le glacier se révèle entièrement. Un océan de glace brisée, couvert par quelques rares étendues de neige. Les nuages obscurcissent les sommets environnants et nous commençons à douter de notre objectif du jour, l’ascension du Gwätchenhorn, un sommet facile s’élevant à 3.400m. Comme la visibilité est bonne sur la partie inférieure du glacier, nous décidons d’y aller et de ré-évaluer la situation une fois que nous serons un peu plus loin. Nous commençons à nous équiper et je coche mentalement les cases dans ma liste: le baudrier, auquel je clipse le kit de secours en crevasse, nœud en huit au bout de la corde, que j’enroule autour de mes épaules, crampons, piolet… Mes gestes, maintes fois répétés, sont mécaniques.

Tierberglihütte. © 2020, Justine Le Cam.
Nevin devant le Steingletscher. © 2020, Justine Le Cam.
Nevin sur le Steingletscher. © 2020, Justine Le Cam.

Mes premiers pas sur le glacier sont maladroits, le temps que je m’habitue à la sensation de mes crampons sur la glace endurcie par les températures nocturnes. Mais après quelques minutes je me détends et je commence à vraiment apprécier le moment. Nous traversons la partie inférieure du glacier et nous émerveillons de la lumière matinale sur les sommets lointains. Au départ il n’y a que de la glace, laissant les quelques crevasses visibles, mais petit à petit quelques étendues de neige commencent à apparaitre, et nous nous encordons. Le plus haut nous allons sur le glacier, le plus de brouillard nous entoure et finalement nous nous trouvons devant un très large pont de neige qu’il nous semble difficile de traverser en sécurité. Nous décidons de faire demi-tour. Nous n’avons donc pas notre sommet, mais à à peine 10h du matin, la journée nous a déjà offert des instants magiques. Je suis contente de pouvoir développer lentement mais sûrement mes compétences de sortie en glacier et de m’être sentie à l’aise tout le temps que nous passons sur le glacier.

Nevin sur le Steingletscher. © 2020, Justine Le Cam.
Sur le chemin du retour. © 2020, Nevin McCallum.

Dès l’instant où nous faisons demi-tour et entamons la descente, le brouillard épais qui nous entourait se dissipe complètement et tous les sommets environnants se révèlent à nous. La vitesse à laquelle le temps peut changer en montagne est assez incroyable, et c’est un bon rappel qu’il faut toujours être vigilant mais aussi que parfois il faut savoir être patient. Nous traversons rapidement une section qui est exposée à ce qui semble être des chutes de pierre constantes, puis nous prenons notre temps sur la partie exempte de neige. Nous nous émerveillons devant tous les petits ruisseaux et flaques – certaines assez profondes – qui se sont formés sous l’action du soleil martelant la glace. De retour au refuge nous nous éternisons, faisant sécher notre équipement et lézardant au soleil, se délectant de la vue. J’éprouve toujours un sentiment très spécial à me tenir devant un glacier sous un ciel complètement bleu. Je ne sais pas si c’est la magnificence de toute cette glace suspendue et accidentée, mais cela me transporte toujours dans un état de sérénité absolue. Rien d’autre ne semble vraiment important à ce moment précis.

Vorder Tierberg. © 2020, Justine Le Cam.
Vue sur le Steinsee. © 2020, Justine Le Cam.